LE RAZ-DE-MARÉE DU 2 au 3 FÉVRIER 1904

Le raz-de-marée de Février 1904 relaté par :

Ouest Éclair du 04 Février 1904


Les inondations en Bretagne


Terrible raz de marée en Bretagne 

Montée subite de la mer. -- Les effets des vagues.
-- Dégâts épouvantables.  -- Des victimes.


Brest, 3 février. Le chef guetteur du sémaphore de Penmarc'h télégraphie au préfet maritime

Toute la côte de Penmarc'h a été ravagée hier par un raz de marée. Les dégâts sont épouvantables. Le tiers de la commune est sous l'eau. Plusieurs bateaux ont été brisés et coulés sur leurs corps-morts. 

Un jeune homme de 17 ans a été noyé a Saint-Guénolé. Les riverains ont évacué la nuit dernière avec leurs familles et leurs bateaux.

Le sémaphore est resté indemne. La tempête continue.  


Ouest Éclair du 05 Février 1904

A PENMARC'H

Penmarc'h, 4 février. La guetteur du sémaphore de Penmarc'h télégraphie au préfet maritime :

 Une vingtaine de bateaux, dont une partie ont été construits récemment, sont à la côte complètement démolis. Quelques autres sont coulés sur leurs corps-morts. Plusieurs centaines d'hectares sont encore immergés. 

Une équipe d'ouvriers travaille à dégager les vannes des canaux d'évacuation. Les habitants surpris par la mer ont en grande partie perdu les filets, les avirons, les rogues, pommes de terre, etc. Plusieurs usines et des magasins ont été endommagés. 

Les balises de Menguen, La Jument, Mentalec out vu leurs voyants enlevés par la mer.


Ouest Éclair du 06 Février 1904

Le raz de marée. 

Une cabane projetée à 50 mètres par une lame. -- Un jeune marin tué.
-- La consternation est générale chez les populations.

A PENMARC'H


Penmarc'h, 5 février. A diverses reprises, l'eau a encore inondé les rivages et pénétré dans les maisons situées à proximité de la côte.

A Penmarc'h, au moment où se produisait le raz de marée, vers 3 h. 12 du matin, alors que les habitants étaient chassés de leurs demeures par l'envahissement des eaux, un accident mortel s'est produit dans des circonstances excessivement dramatiques. Un jeune marin de 17 ans, Michel Cornec, de Saint-Guénolé, s'était abrité derrière une cabane en planches, près du poste des douanes, en compagnie d'un de ses camarades, Jean-Marie Jégou, 19 ans, lorsque soudain la cabane fut enlevée par un énorme paquet de mer et transportée cinquante mètres plus loin. Jégou s'était cramponné à l'anneau de fer de l'abri, qui l'avait entraîné à sa suite. Aussitôt qu'il put prendre pied, il rentra chez lui tout étourdi et blessé. Il croyait que son camarade avait été emporté par la mer.

Ce n'est que vers 7 heures, qu'un boulanger1 remarqua sous la plate forme de la cabane, transporté par la tempête, quelque chose de sombre.

S'étant approché, il reconnut le malheureux Michel Cornec, qui étais resté engagé sous la masse de bois et dont la corps n'était plus qu'un cadavre. Le père du jeune marin qui était près de là, vint aider à dégager son fils2.

Un autre marin a été blessé également. Le tiers des terres de la commune de Penmarc'h, a été inondé et les infortunés habitants de Saint-Guénolé, Saint Pierre et Kérity ont eu leurs récoltes complètement perdues.

Les digues construites à Kérity et aux environs ont été enlevées et les étangs, desséchés à si grands frais, ne sont plus maintenant qu'une vaste plaine de sables et de limon.  

(1) Le boulanger Auffret

(2) Le sous-brigadier des douanes Botuta essaya en vain de le ranimer.


Le Raz-de-marée de Février 1904 relaté par :

L'Illustration n° 3181 du 13 Février 1904

Un raz-de-marée dont les effets se sont faits sentir sur une grande partie des côtes ouest de la France et sur lea côte méridionale de l'Angleterre, s'est produit dans la nuit du 1er au 2 février dernier.
Tout le sud de la Baie d'Audierne et surtout la presqu'île de Penmarc'h, où la côte est très basse et nullement défendue contre les fureurs de l'océan, au point que chaque grande marée, pour ainsi dire, leur est une menace, ont été, comme cela est déja arrivé lors des raz-de-amrée de 1896, 1899 et 1900, les plus éprouvés de tout le littoral.
A Saint-Guénolé qui avait déjà tant souffert en 1900, le spectacle est plus lamentable encore. Il était trois heures du matin quand les eaux ont envahi le village, se ruant en vagues furieuses sur la route qui le traverse et où elles formaient comme un torrent, balayant tout sur leur passage, envahissant les maisons, rompant les portes, parfois enfonçant les fenêtres étroites. Dans les trois agglomérations de Saint Pierre, de Kérity et Saint Guénolé, 300 maisons ont ainsi été inondées.
Dans ces petits ports, les barques de pêche étaient arrachées de leurs ancres, broyées les unes contre les autres ou coulées. Sur la côte, une maison de bois , qui servait de remise aux pêcheurs, a té enlevée par la mer et transportée a plus de 200 mètres de son emplacement. Elle s'élevait au point où, sur notre photographie, on aperçoit des enfants ; elle a été jetée, toute droite au point où on la voit maintenant et a écrasé un jeune homme de dix-sept ans.
La mer s'était avancée jusqu'à deux kilomètres dans l'intérieur des terres. Trois jours après, certains points du pays étaient encore recouverts de 60 centimètres d'eau et sur les parties basses des routes on ne pouvait plus circuler qu'en bateau.
Ce désastre se produit malheureusement à la suite d'une saison de pêche déplorable. Il détruit les récoltes en terre et une effroyable misère va régner sur une contrée depuis quelques années cruellement éprouvée.

Saint Guénolé : Abri en bois de 40 mètres carrés, transporté du point où se tient un groupe d'enfants à la place qu'il occupe sur la photographie. 
© L'illustration

Rue de Saint Guénolé où la mer s'est engouffrée.
(L'eau est montée à mi-hauteur des fenêtres) © L'illustration

A Saint Guénolé : La route et les champs inondés par la mer. © L'illustration


Le raz-de-marée De Février 1904 relaté par

Le Monde Illustré n°2446 du 13 Février 1904


LA TEMPÊTE EN BRETAGNE

Les populations maritimes de Bretagne sont cruellement éprouvées depuis quelque temps. Nos lecteurs sont au courant de la crise sardinière qui sévit dans ces régions et a réduít les pêcheurs à un état de misère qu'il faut consteter pour s'en tendre compte !
Dès la nouvelle de la catastrophe qui vient de dévaster les petits ports de la Manche et du Finistère, je suis parti, envoyé par le Monde Illustré, pour constater l'étendue du désastre.
La région de Penmarch est plus particulièrement éprouvée. Le raz de marée a défoncé les digues, brisé les embarcations, démoli les palissades, détruit les en-clos. On a vu des maisons envahies par les lames à plusieurs centaines de mètres du rivage, des bateaux transportes au milieu des jardins, plusieurs centaines d'hectares de culture disparaissant sous une couche de plus de deux mètres d'eau. A l'heure où j'écris ces lignes, et il y a presque une semaine que la tempête a sévi, on ne peut encore accéder à certaines maisons qu'en bateau, ainsi que le démontre une de mes photographies instantanées.
La baraque de planches qui a été transportée par la mer à plus de cent metres de sa situation primitive a tué un jeune pêcheur, Michel Cornu1, âgé de 17 ans, qui était adossé contre elle. Une croix indique l'emplacement où était la baraque. On peut se tendre compte ainsi de l'espace qu'elle a parcouru véhiculée par une lame de fond ; ce qu'il  y a de curieux, c'est qu'elle n'a subi aucune avarie et qu'elle repose sur un sol aussi solide que celui qu'elle occupait préeédemment.
Disons en terminant que ce melheureux pays est plongé dans la plus affreuse misère, que le pain manque et que des enfants sont tombés d'inanitìon dans la classe le jour où je me trouvais à Penmarch. Les secours sont  insuffisants malgré l'interventiion des pouvoirs publics. Souhaitons que les âmes charitables s'intéressent à ces malheureux.
Léon DE MONTARLOT.

(1) Lire Michel Cornec

Saint Guénolé - Clôture de l'usine Myosotis enlevée. © Le Monde I'illustré

Saint Guénolé inondé - Vue de la Joie © Le Monde I'illustré


Saint Guénolé - Clôture de l'usine Frochen, démolie par la mer 
© Le Monde I'illustré

Saint Guénolé - Cabane transportée par une vague depuis la Croix indiquée sur le dessin jusqu'à l'emplacement qu'elle occupe sur la photo, après avoir tué un jeune pêcheur © Le Monde I'illustré


Saint Guénolé - Mur démoli par le raz de marée © Le Monde I'illustré

La Joie - Ferme inondée © Le Monde I'illustré


Penmarc'h - Bateaux allant ravitailler les fermes inondées 
© Le Monde I'illustré

Kérity - Tranchée ouverte par les vagues à travers le jetée
© Le Monde I'illustré


Kérity - Les pêcheurs travaillant à la réfection de la digue qui a été éventrée
© Le Monde I'illustré

Le Raz-De-Marée De Février 1904 Relaté Par :

Le petit parisien n°785 du 21-02-1904

TERRIBLE RAZ DE MARÉE SUR L'OCÉAN

ASPECTS DE LA CÔTE A PENMARC'H

La longue série de tempêtes furieuses qui désolaient la côte bretonne depuis quelques semaines avait tellement enflé la mer, que la grande marée de pleine lune lui a fait dépasser de beaucoup ses limites naturelles.
Les premiers effets de ce raz de marée se sont d'abord fait sentir dans la région du Nord où les dégâts ont été moins importants : mais rapidement, la mer envahit la côte et les vagues devenues furieuses montèrent à l'assaut des rochers.
C'est à Penmarc'h que le terrible fléau a exercé toute sa violence. Penmarc'h tire son nom d'une petite bourgade qui fut, il y a quelques siècles, un grand port de pêche  à la morue et une des cités les plus commerçantes de la Bretagne, la rivale de Nantes, elle même.
Tout le promontoire de Penmarc'h est déchiré en roches sombres, dont une, la Torche, est creuse. Quand la mer s'y engouffre par gros temps, et que les vents soufflent de l'ouest et du sud-ouest, le frcas s'en entend fort loin, jusqu'à Quimper dit-on.

© Le Petit Parisien

Le raz de marée a causé surtout des dégâts à Saint Guénolé, petit port de pêche, situé à proximité de la "Torche". La mer a, en effet, tout submergé ; les maisons et les champs sur une étendue de plusieurs kilomètres. Les usines ont été ravagées. Les maisons qui ont eu leurs portes et leurs fenêtre brisées ont été envahies par la mer.
Les barques de pêche ont été transportées sur les routes, lesquelles, transformées en torrents, sont complètement défoncées. Toutes les récoltes en terre sont perdues  et plusieurs hectares de terre cultivable ne pourront être utilisées avant quatre ans, à cause des éléments salins qui y ont été déposés.
On n'a malheureusement pas que des ruines matérielles à déplorer : Un jeune homme a été tué et un autre blessé par la violence des lames qui, à certains endroits, atteignirent une hauteurs de quarante à soixante mètres.
Personne ne se souvient dans la contrée d'avoir vu pareil désastre et il faut remonter jusqu'au quatorzième siècle pour en retrouver un semblable.
C'est encore, hélas ! la misère pour la population bretonne, déjà si durement éprouvée !

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Conditions météorologiques : La submersion a lieu à 3h30, 1h30 avant une pleine mer au fort coefficient de 114. La dépression athmosphérique, inférieure à 980 hPa  (735 mm Hg), amène une mer très grosse de 10 à 12 m de creux et un vent de Sud-Ouest estimé force 7 à 8 Beaufort. Pour ne rien arranger, la dépression génère une sur-cote du niveau de la mer estimée à 40 ou 45 cm par rapport à une grande marée de 114.


Côté Mer : Quelques bateaux sont perdus : certains coulés sur leurs corps morts, d'autre partis à la dérive et fracassés sur le rivage et les roches ou échoués à une centaine de mètres du rivage : Une vingtaine à St Guénolé, cinq à St Pierre. Un grand nombre d'esparts et engins de pêche (filets, casiers) sont perdus. Le môle de Kérity est endommagé.

Côté terre : Les terres et les abords du rivage ne sont pas épargnés. Partout, à Kérity, à St Pierre et plus encore à St Guénolé, maisons et nombre de batiments industriels sont envahis par les eaux, portes et fenêtres brisés. Un tiers de la commune est sous les eaux. Cultures et jardins sont dévastés, impropres aux récoltes. Les animaux se sont sauvés à la nage et divaguent dans la commune.

Plus particulièrement,
  
- A St Pierre, les dunes sont emportées par la mer. L'Hôtel du Phare d'Eckmühl est envahi par les eaux. Le mur de protection du Phare d'Eckmühl est complètement détruit : En cours de nuit, le quartier est évacué par les habitants qui s'enfuient avec leurs animaux.

- A St Guénolé, qui, à cette époque, ne possède toujours pas d'ouvrages de protection vis à vis des fureurs de la mer, les rues et routes sont encombrés par les roches. On y navigue en plate, louvoyant entre des épaves de toutes sortes. Les marais de Guiyesse (entre St Pierre et St Guénolé) et l'ancien marais de Kérouil sont envahis par l'eau de mer. 80 maisons sont inondées. Les usines n'échappent pas au désastre : Les murs d'enceinte des Usines Tirot, Fröchen et Clergeau & Billant sont abattus, cette dernière subissant également des dégâts sur son matériel d'usine.
 
- A Kérity, la digue est détruite et les marais du Ster Poulguen sont envahis par les eaux. L'usine Colin subit elle aussi des dégâts sur son matériel de production.