Boules de Pardon - Boulloù Pardon

Depuis le début du XIXe siècle, les intérieurs des humbles et sombres demeures du Pays Bigouden et de l'Île d'Ouessant, étaient illuminés par des boules de Pardon aux couleurs vives et argentées, offertes ou ramenées lors d'assemblées religieuses : Ar boull Pardon (Boule de pardon) ou boull bodadeg (Boule d'assemblée).

Le Pardon est une festivité religieuse locale destinée à honorer un Saint ou une Sainte associés à une église ou une chapelle. Partie importante du pardon, une procession est organisée, au cours de laquelle chants et prières concourent à l'expiation des péchés commis dans l'année passée par les pénitents.
La présence de camelots, de restaurateurs, débits de boissons et d'attractions foraines aux abords des édifices religieux donne aussi une dimension profane à l'assemblée.

Ces pardons étaient donc propices à faire la fête : Danses , manèges, réunions familiales... Ainsi, tous les jeunes hommes et les jeunes filles du village et des alentours étaient réunis en un même lieu, propice aux idylles et aux déclarations.


Tradition

Alors, après la messe de Pardon, les jeunes hommes courraient vers les stands des marchands ambulants autrement nommés termajis, afin d'acheter les fameuses boules de Pardon. 

Les stands des Termajis au Pardon de la Joie
Photo P. Dopff - © Fonds Orth / Ville de Penmarc’h

Les stands des Termajis au Pardon de la Joie

Photo P. Dopff - © Fonds Orth / Ville de Penmarc’h

Il y avait deux « raisons » à l'achat de ces fameuses boules.

— L'une consistait à ramener un souvenir de cette remarquable journée pour l'offrir à un parent qui n'avait pu se déplacer ou pour tenir une promesse. C'est généralement la cause de la présence des boules de Pardon à l'Île d'Ouessant, ramenées pour la plupart de Pardons effectués sur le continent.

— Pour l'autre, un jeune homme pouvait acheter une boule de pardon pour l'offrir à celle à qui il souhaitait manifester son Amour et ses intentions de mariage.

Sur l'étal du camelot, à côté des épingles de Pardon, prenaient place des boules de Pardon de toutes les couleurs, et de toutes tailles. La boule de couleur en verre argenté était surmontée d'une attache en bronze ou laiton à motif souvent floral, avec anneau, agrémentée d'un ruban assorti.

Après avoir choisi une boule avec l'accord de sa belle, il lui disait : "Digor ho tavancher" (Mettre, jeter (dans) votre tablier) afin d'y déposer sa « demande ».

L'ouverture du tablier signifiait un engagement pour la jeune fille et accessoirement provoquait à coup sûr la jalousie de ses copines (quel délice !)...

Les parents évaluaient la motivation du prétendant à la taille et la beauté de la boule qui, ajoutée à la réputation et aux biens du jeune homme et de sa famille, pouvaient valider ou non le choix des parents de la courtisée. Alors que dans le monde paysan patriarcal le mariage pouvait être l'occasion à alliances et spéculations sur de nouvelles terres, le monde maritime plutôt matriarcal était moins porté sur ces calculs et plus ouvert à tenir compte de l'avis des jeunes courtisées.

En cas d'accord, le dimanche suivant, les parents des deux amoureux de retrouvaient à la sortie de messe pour causer de l'organisation du mariage... pendant que les deux tourtereaux s'éclipsaient discrètement.

Plus tard, la boule était exposée et conservée dans la famille pendant des générations, souvent pendue à un clou planté dans une des poutres du plafond.


Les plus attentifs auront, à coup sûr, remarqué la similitude des coutumes concernant les épingles et les boules de Pardon.


Origines

Les Boulloù Pardon ont pour origine des boules de Noël fabriquées dans la verrerie de Goetzenbruck (Lorraine - Dpt de la Moselle), village voisin de Meizenthal situé dans les Vosges du Nord.

La verrerie de Goetzenbruck et ses 2 cheminées à gauche © J.Zinsius

Les historiens du « Centre International d’Art Verrier (CIAV) » de Meisenthal racontent :

« En 1858 la nature fut avare. La grande sécheresse priva les Vosges du Nord de fruits et le sapin de Noël n’eut donc parure qui vaille. Face à la détresse de ses enfants privés de décorations pour la réalisation de leur sapin de Noël, un souffleur de verre de Goetzenbruck tenta de compenser cette injustice en soufflant quelques boules en verre. Il déclencha à lui seul une tradition qui traversa les cultures ».

De 1858 à 1964, cette verrerie produisit des grosses boules de Noël qui furent importées en Pays Bigouden depuis l'autre bout de la France, par des Termajis pour être rebaptisées « Boules de Pardon ».


Localisations

La particularité de ces fragiles boules était qu'elles étaient produites selon la technique du verre églomisé et qu'elles étaient grosses, très grosses, pouvant atteindre 30 à 32 centimètres de diamètre.

La technique du verre églomisé consiste à fixer une mince feuille d'or ou d'argent sous le verre. Son nom provient du Français Jean-Baptiste Glomy (1711-1786), encadreur parisien des rois Louis XV et Louis XVI.

Pour églomiser ses boules en verre, la verrerie emprunta à la technique des miroitiers, qui consiste à injecter dans la boule un mélange chimique argentique qui se dépose en une fine couche sur la paroi intérieure.

La fragilité du verre églomisé explique pourquoi ces boules de Pardon sont si peu courantes. De plus, les intérieurs métalliques de ces boules centenaires sont souvent très oxydés.
 

Quelques boules et attaches

Boule de Pardon « Or » - 25 cm -



Boule de Pardon « Argent » bien oxydée - 18 cm -




Boule de Pardon « Bleue »  - 23 cm -


Boule de Pardon « Verte »  - 32 cm -

Boule de Pardon « Violette »  - 22 cm -

   
Boule de Pardon « Rouge »  - 20 cm -


Les designs des attaches étaient fonction du fabricant. Quelques attaches :